L’ouvrage de Marie-Jeanne Guedj vient enrichir la bibliographie psychopathologique francophone du travail le plus complet à ce jour sur le hikikomori. Une pathologie qui au début, il y a vingt ou trente ans, a semblé à beaucoup comme un syndrome plutôt exotique, et qui, chemin faisant, s’est avéré être une clinique se développant dans notre plus grande proximité, et capable de passer inaperçue – en dehors des plus proches qui, impuissants, la voient s’installer et s’amplifier pendant des mois et des années.
Il faut dire que l’auteure est particulièrement bien placée pour décrire cette clinique. Cheffe de service pendant de nombreuses années du Centre psychiatrique d’orientation et d’accueil de Paris (CPOA), ayant l’habitude de recevoir, non seulement des patients, mais aussi des parents et des personnes de leur entourage, elle a par ailleurs initié un accueil spécifique pour les adolescents et les jeunes adultes. Et c’est à partir de cet accueil qu’a commencé à émerger et à devenir visible pour nous autres psychiatres cette clinique de l’isolement et de la claustration, connue jusqu’alors des seuls parents, qui s’installe dans le silence plus ou moins évitant ou honteux des appartements familiaux. Le hikikomori n’était pas une curiosité japonaise : il était bien là, à côté de chez nous.
Ouvrage de psychopathologie et de clinique, le Hikikomori de Marie-Jeanne Guedj se construit dans le dialogue entre la psychiatrie et l’environnement, famille et société. L’interrogation sur une « nouvelle sociologie de la jeunesse » (pp. 27- 42) passe en revue les hypothèses liées à cette réclusion monastique : de la faillite des supports dont bénéficient d’habitude les jeunes jusqu’à une forme de protestation délibérée, bien que passive, face à une société jugée décevante : insécurité de l’emploi, violence, rentabilisation extrême du temps, rapports d’emprise, place excessive de l’argent. L’idée selon laquelle ce phénomène serait lié aux particularités du Japon semble relever plutôt des clichés sur la culture japonaise, et l’auteur montre que les publications le concernant proviennent d’un large spectre de pays. [...]
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